Histoire

Informations sur l'histoire de Tieffenbach

L’hiver à Tieffenbach

Extrait du livre « Sur ces chemins où nos pas se sont effacés » de Louise Helmstetter une femme tzigane originaire de Wingen/Moder et qui parcourait nos routes dans sa jeunesse à bord des roulottes.









Je me rappelle la première fois que j’ai marché sur des dalles de grès après une averse, les pieds nus dans l’eau, ma mère me tenant par la main… Je devais avoir un peu plus d’un an. Mais mon premier souvenir précis remonte à l’âge de trois ans, pendant l’hiver 1929, un hiver très rude. On campait près d’une forêt, non loin de Tieffenbach, en Alsace Bossue.
Ce jour-là, les adultes étaient tous partis au village, et les enfants, le ventre creux, les attendaient dans la roulotte, près du fourneau qui était juste à gauche de l’entrée, en chantant et en riant. L’un d’entre eux guettait le retour des parents par l’une des trois fenêtres. Une cloison intérieure séparait la « cuisine » de la « chambre à coucher », où les enfants dormaient en haut, les parents en bas.
Enfin on a vu les hommes avec leurs grands chapeaux, leurs foulards noués autour du cou, leurs longues moustaches givrées, se diriger tout de suite vers les chevaux pour les nourrir, puis les bouchonner avec de la paille. Pendant ce temps les femmes sont rentrées pour préparer à manger aux enfants. Toutes les familles s’entraidaient, on partageait ce qu’on avait ; on n’épargnait jamais, on vivait. Dehors les hommes parlaient entre eux. Ils avaient entendu dire que la nuit serait glaciale et qu’il serait prudent d’aller s’installer au village, sinon on risquait de geler.
- Mais comment rouler par ce temps ? Il y a trop de verglas sur la route.
- Nous irons une seule roulotte à la fois.
On entendait les branches craquer tout autour de nous, le jour déclinait doucement. Les hommes ont attelé un cheval à une roulotte, ont enveloppé ses sabots de chiffons noués et serrés, pour éviter qu’il glisse sur la route. En tenant les chevaux par la bride tandis que d’autres poussaient les roulottes, l’une après l’autre elles sont toutes arrivées au village.
Alors un des hommes a dit :
- Je connais l’aubergiste, j’ai joué de la musique chez lui, et il m’a déjà rendu service. Peut-être aura-t-il de la place pour nos chevaux dans son écurie ?
- Allons-y ensemble, a dit un autre, mais c’est toi qui demanderas puisque tu le connais.
- Il fait très froid dehors, a-t-il dit, vous n’avez pas peur de geler cette nuit ?
- C’est pour cela que nous sommes venus au village. On voulait vous demander si vous pouviez abriter nos chevaux ? Vous ne le ferez pas pour rien.
- Mais oui, bien sûr, mettez-les dans mon écurie.
Les hommes ont retrouvé le sourire et ont bavardé avec l’aubergiste en buvant uns schnaps. Ensuite ils ont installé les chevaux à l’écurie, soulagés. Plus tard, un villageois est venu leur proposer de prendre chez lui autant de bois qu’ils en auraient besoin.
La nuit tombait, nous, les enfants, étions déjà emmitouflés sous nos plumons. Je me souviens très bien que mon père et ma mère parlaient, assis auprès du fourneau. J’entends encore ma mère dire :
- Pauvres oiseaux, pauvres petites bêtes, ils vont mourir de froid cette nuit dans la forêt.
Et jusqu’à l’aube, ils ont alimenté le feu sans dormir.
Les gens du village n’en croyaient pas leurs yeux, eux qui s’inquiétaient pour nous, de voir qu’on avait pu tenir dans nos roulottes par un tel froid, alors qu’ils avaient perdu des bêtes dans leurs étables au cours de la nuit…

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